DE LA VILLE DE PARIS.
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de paciffication. Au moyen de quoy lesd, sieurs Pre­vosté dc Paris, des Marchans, Lieutenans civil, cri­minel et Eschevins se sont par plusieurs fois as­semblez pour cest effect. Finablement auroient pour obeyr ti Sad. Majesté et executer ladicte translation, le dimanche deuxiesme Decembre, advisé d'envoyer querir, et de faict auroient mandé le masson qui avoit premierement dressé et planté lad. Croix et Pyramide, pour faire ung preparatif de la fondation aud. Cymetiere, où Sad. Majesté entendoyt qu'elle feust transférée comme d'un lieu prophane en ung lieu sainct, ce que ledict masson auroit faict. Mais le mardy enssuivant, ayant mis quelques ouvriers en besongné, est advenu que le seoir deux hommes à eulx incogneuz leur feirent quelque frayeur, à l'oc­casion de quoy ct de la nuict qui approchoit lesd, ouvriers se retirèrent.
1. — [Troubles de la première semaine.] (A, fol. 238 v°; B, fol. 164 v°.)
Le lendemain, de ce advertiz, lesd, sieurs Pre­vost et Eschevins qui ont la garde des clefz et munitions de lad. Ville et des principalles forces d'icelle, pour la conservation de l'auctorité du Roy, tuition el deffence de lad. Ville, et pour empes­cher que aulcune sédition ou esmotion populaire n'y survienne pendant l'absence de Sa Majesté, en­voyèrent incontinent aucuns des archers de la Ville audict lieu. Lesquelz y trouverent quelques archers du Guet qui fermèrent, de l'ordonnance dc la justice, les portes du Cymetiere et feirent ce jour travailler
sans aulcun empeschement lesd, ouvriers jusques au seoir.
Le jeudy, qui estoit le jour et feste sainct Nicolas, y arrivèrent au seoir quelques enffans qui estoient peult estre favoiïzez de plus grandz, lesquelz rem­plirent la fosse qui estoit faicte, tellement que l'on trouva quc ce quc les ouvriers avoient faict estoicl comine inutille.
Le vendredy, lesd, ouvriers et maneuvres retour­nerent besongner et travailler tout le jour, estans favorisez des archers du Guet et besongnerent sans empeschemens. Toutesfois fut advisé que, pour eviter qu'il ne feust faict le lendemain, qui estoit le jour dc Nostre Dame, le semblable de ce qui estoit ad­venu le jour precedent, jour sainct Nicolas, que le cappitaine des archers et lieutenant du Gucts'assein-bleroient, affin dc garder toute la nuict led. Cyme­tiere et empescher que l'on ne touchast ad ce qui avoit esté faict, attendant Ie lundy, que l'on esperoit lever lad. Croix avec toutes les forces. Et à ces fins fut expédiée l'ordonnance, de laquelle la teneur ensuyt :
"Ce jour d'huy vendredy, septiesme jour de De­cembre mil v° soixante unze, a esté ordonné au Bureau de la Ville de Paris que, pour donner ordre et empescher que aucun desordre ou sédition n'advienne en cestedicte Ville, en faisant la trans­lation de la Croix et Pyramide de la rue Sainct Denys au Cymetiere des Sainctz Innocens, faire obeyr le Roy et favoriser la justice, les trois nombres des archers, arbalestriers et harquebuziers tiendroient main forte à la justice ordinaire. Et pour cest effect,
in-8°, i835, i" série, t. VI, p. 676. — Voir aussi sur cette affaire : Mémoires de l'Estat de France sons Charles IX, 1.1, p. 106; — Crespin, Histoire des martyrs, édit. 1608, fol.701;—d'Aubigné, Histoire universelle, t. Il, 1.1, ch. 1; —do Thou, Histoire univer­selle, trad, française, in-4°, 1711,1. VI, p. 272 ; — Cl. Hatton,"Mémoires, éd. par Bourquelot, Paris, in-4°, 1 867, t. II, p. 570-672 , 63o-633 ; — Négociations de France et de Toscane, in-4°, t. III, p. 701.)
On a vu ci-dessus (p. 381, note 2 ) que, dès le mois d'août précédent, Charles IX avait envoyé au Prévôt de Paris l'ordre de faire abattre la Croix et donné dos instructions en conséquence aux Prévôt des Marchands et Échevins. Le Roi était alors pour quelques mois livré à l'influence de Coligny, et les Guise avaient quitté la cour. C'était d'ailleurs en vertu de l'édit de pacification de Saint-Germain que la suppression de ce monument commémoratif des discordes civiles était réclamée. L'article 32 est formel : ct Pour estaindre la -mémoire de tous troubles et divisions passées. . ., toutes marques, vestiges ct monumens des executions, livres et actes diffamatoires «contre les personnes, mémoires et postérité, ordonnons le tout estre osté et effacé, ct les places ès quelles ont esté faictes pour ceste "occasion démolitions ou razemens, rendues aux propriétaires d'icelles, pour en user et disposer à leurz volontez.» (Fontanon, Edits el ordonnances, etc, Paris, 1611, in-fol. t. IV, p. 3o3.) Toutefois l'accomplissement de cet acte de justice rencontra une opposition quasi unanime à Paris. Le Parlement, le Chapitre, la Municipalité adressèrent au Roi de vives remontrances, et s'ils n'obtinrent pas de lui qu'il revînt tout à fait sur sa détermination, du moins ils le firent renoncer à la destruction de la Pyramide, ll fut convenu, après bien des pourparlers, qu'elle serait non pas abattue, mais transportée au Cimetière des Innocents. Forcées enfin de s'exécuter, après tous les atermoiements imaginables, les autorités parisiennes le firent avec tant de mollesse quc le peuple, excité par les prédicateurs, les tint en échec pondant trois semaines et causa les désordres relatés dans les pages qui suivent. Une lettre de Charles IX à M. de Fourquevaux, son ambassadeur auprès du Roi catholique, fournit la preuve que don Frances de Alava, ambassadeur de Philippe ll à Paris, encourageait la résistance et avait des intelligences avec les factieux. (Lo comte Julos Delaborde, Gaspard de Coligny, amiral de France, Paris, 1882, in-8°, t. III, p. 347-348.)